Orientation scolaire - Marc Morandi

Orientation scolaire - Marc Morandi







L’orientation scolaire dans le canton de Vaud.
Quelle est son importance ? Quelles sont ses lacunes ? Quels sont ses défis ?



Communemag s’est entretenu sur ces questions avec Marc Morandi, secrétaire patronal à la Fédération vaudoise des entrepreneurs et candidat au Grand Conseil.



À quel âge ou à quel niveau scolaire l’orientation d’un enfant doit-elle intervenir ?

En réalité l’orientation d’un enfant vers son avenir devrait démarrer avant même qu’il ne commence à fréquenter l’école, tout en se poursuivant pendant la période de scolarité obligatoire.
Orienter un enfant vers son avenir est synonyme de le faire rêver. C’est aussi l’aider à l’imaginer. Les premiers orienteurs des jeunes sont essentiellement leurs parents et leurs familles. Il est par conséquent très important de parler à son enfant de sa propre activité professionnelle, et de lui expliquer à quoi ça sert et comment ça marche, pour l’aider justement à développer son imagination, et pour accompagner sa projection vers son propre avenir. Il est aussi très important de bien choisir les activités ludiques et les loisirs à pratiquer avec son enfant. Car c’est un bon moteur pour éveiller sa curiosité sur ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas, et sur sa vision de sa propre vie d’adulte.
Ensuite vient l’engagement des enseignants, qui ont le rôle délicat d’attirer la curiosité de leurs élèves sur des matières parfois peu connues. Enfin, l’orienteur scolaire devrait aider les jeunes préados qui sont encore indécis sur leur avenir, ou n’arrivent pas à bien l’imaginer. Pour que la mission de ce dernier réussisse, il est très important que l’enfant soit en âge d’accepter de se faire conseiller, aider et orienter, c’est-à-dire entre 11 et 12 ans maximum. Il est en effet beaucoup moins évident de conseiller ou d’orienter un adolescent de 14 ans.

Que pensez-vous du rôle de l’orienteur scolaire dans le canton de Vaud ?

Ce poste ou ce rôle est d’une très grande importance pour l’avenir de nos jeunes, qui seront les adultes de demain et qui devront guider et mener notre pays vers son propre futur. Personnellement, je pense que l’orientation scolaire dans notre canton est un dossier qui présente des lacunes de taille, et qu’il est urgent de se pencher sérieusement dessus, pour rééquilibrer les besoins du marché professionnel et booster l’économie dans le bon sens et avec les composantes d’une prospérité saine.
Les orienteurs en place sont psychologues de formation. Ils ont certainement le bon profil pour gérer et aider les cas difficiles et les perturbateurs, mais ils ne sont pas à leur place, à mon sens, pour orienter les élèves vers leur avenir et les conseiller sur leur choix de carrière. Cela me désole, d’ailleurs, de constater parfois que la mission de l’orienteur aujourd’hui se résume à poser quelques questions à l’élève pour savoir ce qu’il a envie de faire comme métier, alors que son véritable rôle est de l’aider à distinguer ses capacités réelles, ce qu’il a envie d’apprendre comme métier, et la voie qu’il doit emprunter pour y arriver. Et là, il est nécessaire de connaître la formation professionnelle pour en parler !
Techniquement, de nombreux enfants ne sont pas suivis avec régularité pour effectuer leur choix de carrière et bénéficier des avantages qu’est justement censée fournir l’orientation scolaire, car la plupart des orienteurs sont engagés à temps partiel, sur plusieurs sites scolaires, ce qui limite leur disponibilité pour chaque jeune.

L’orientation scolaire fait face selon vous à de nombreuses problématiques au niveau cantonal. Voyez-vous des solutions à moyen/long terme ?

À mon avis, les professionnels du secteur de l’éducation doivent respecter la chaîne de valeur. Notre économie a autant besoin de professionnels dans tous les corps de métier que de lauréats des plus grandes universités.
La formation professionnelle est donc tout aussi importante que les études universitaires. Il est plus qu’indispensable que les élèves soient bien orientés avant la fin du secondaire 1, pour que chaque individu puisse poursuivre le parcours qui s’adapte le mieux à ses capacités, et pour que chaque futur adulte puisse occuper la bonne place dans la société.
Il est primordial de sensibiliser les enseignants du secondaire 1 à l’importance de la formation professionnelle, et aux risques et dangers générés par l’aiguillage systématique des jeunes vers la formation académique. Il est également très important que les patrons et formateurs s’investissent dans ce processus. Mais pour qu’ils puissent s’investir dans l’orientation et la formation des jeunes, le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture doit donner la possibilité aux représentants de la filière duale d’être présents lors des périodes scolaires consacrées à la découverte du monde professionnel, qui visent justement à éclairer les jeunes sur l’univers des métiers.
Et j’insiste sur le fait que les parents ne doivent pas démissionner, car chacun à un rôle distinct à jouer dans la chaîne. La famille, les enseignants et les orienteurs. Peut-être que si nous avions une réelle visibilité sur les taux d’échec et d’abandon des élèves en première année de gymnase, nous pourrions agir avec des arguments tangibles pour exiger certains ajustements.
Le monde a toujours reconnu à la Suisse le parfait équilibre qu’elle a su établir dans la société. Un taux de chômage très faible, une main-d’œuvre qualifiée et un savoir-faire inégalé dans divers secteurs d’extrême importance. Quand je vois aujourd’hui que nous avons 9 000 postes d’apprentissage vacants, je me dis que l’équilibre de notre économie est en danger, et qu’il faut que nous agissions immédiatement.
De nouveaux métiers ont apparu sur le marché de l’emploi ces dernières années, et d’autres arriveront encore dans un futur proche. La Suisse doit se préparer très rapidement pour mettre en place de nouvelles formations.

Quels sont ces métiers émergents, et comment la Suisse doit-elle agir pour y faire face ?

Les nouveaux métiers touchent la plupart des secteurs : la santé, l’agriculture, le transport, le commerce, etc. Avec l’industrie du futur, les métiers industriels, par exemple, devront allier compétences techniques et compétences technologiques. Il s’agit de la transformation numérique et écologique des métiers. L’ensemble des métiers évoluera sous l’influence du numérique. Certains « métiers de demain » sont déjà une réalité : roboticien, data scientist, pilote de drone civil, imprimeur 3D, ingénieur écologue, expert de la biodiversité, etc.
Aujourd’hui, les métiers du bâtiment, par exemple, sont déjà fortement impactés par les nouveaux enjeux du développement durable, et la plupart devront intégrer des « briques de compétences vertes ». Et cette tendance devrait s’accentuer dans les années à venir.

La formation duale est fédérale (26 cantons, 4 langues), ce qui implique que le développement d’une nouvelle formation prend beaucoup de temps.
L’idéal serait de présenter des projets pilotes de nouvelles formations avec l’appui de la confédération, afin d’observer, d’analyser et d’évaluer les chances de mise en œuvre avant d’élaborer une nouvelle ordonnance de formation.